Chaque jour, Léandre Boizeau vous parle de son quotidien casanier, mais l'esprit vagabond...
Le créateur des Ronchons, personnages du fameux musée qui foulent les planches du Berry depuis près de quatre ans, ne pouvait rester sans voix, pas plus que ses comédiens d'copains.
Depuis le " jour 1 ", il ne manque pas de temps pour laisser ses pensées divaguer et faire " chonchonner " nos Ronchons préférés.
crédit photo : Antony Belgarde
Cet après-midi, jour 1 du confinement, un vieux monsieur, un gars de mon âge peut-être, est passé dans ma rue et il s’est arrêté devant l’entrée de mon jardin où je prenais le soleil. Il est resté à une distance plus que réglementaire pour me dire :
- On est mal parti ! Si ça continue, il y en a qui ne verront pas la Noël...
- Faut d’abord voir le soleil aujourd’hui ! lui ai-je répondu, et pour après il faut faire confiance aux médecins. Ils vont bien trouver quelque chose...
Le vieux monsieur m’a adressé un sourire et il est reparti. Je ne sais pas si je l’ai convaincu d’être un peu plus optimiste mais ce dont je suis sûr, c’est que cet homme-là ne m’aurait sans doute pas adressé la parole en temps ordinaire. Il aurait passé son chemin. De là à penser que le confinement est dur à supporter pour les personnes seules, il n’y a qu’un pas à franchir que j’ai, évidemment, allégrement franchi dans l’heure qui a suivi.
Je me suis alors posé la question de savoir comment on peut partager un peu de cette solitude, comment on peut amener ses voisins, ses amis, les autres en général, à gommer l’angoisse pour rêver de jours meilleurs.
Nous avons deux armes pour lutter efficacement contre l’épidémie : le bon sens issu en ligne directe de l’intelligence et le rire.
Pour le bon sens, je respecte les consignes.
Pour le rire, je pense aux Ronchons.
Pas de répétition, pas de spectacle, mais ça ne les empêche évidemment pas de ronchonner, à propos de la situation actuelle, c’est dans leur nature. Il arrive un âge où l’on ne se refait pas.
A défaut de pouvoir les rencontrer, je m’amuse donc à les mettre en scène pour leur faire dire des choses qu’ils ne peuvent pas renier tant je les connais bien.
Tenez : quand l’Michel a appris au Francis qu’il allait être confiné, ce dernier qui ne fait jamais l’économie d’une vérité pas bonne à dire lui a répondu :
- J’préfère être confiné que con fini !
Et l’Michel a cru bon d’ajouter :
- L’un n’empêche pas l’autre !
Le même Michel qui va toujours au plus court et ne passe pas le matin par toutes les formules alambiquées « Bonjour, Comment ça va ? Et toi ? » mais par un très direct « Et toi ? » en tendant la main à son interlocuteur a pris un raccourci saisissant à propos du Conora Virus qu’il n’appelle jamais autrement que « C’con d’virus ». C’est précis, concis et ça dit bien ce que ça veut dire.
Quant au Jeannot, c’est l’arrêt des matches de "fouteballe" qui le préoccupe. Et le championnat ? Et la coupe de l’Indre ? Il se fait beaucoup de souci pour la suite des événements...
L’Francis lui a dit :
- Moi j’ai pas été étonné quand ils ont dit qu’ils arrêtaient les matches. Ils n’arrêtent pas de glavioter partout sur le terrain les footballeurs et c’est justement ce qu’il ne faut pas faire !
Le Dédé, lui,ne sait pas trop quoi penser de l’afflux de Parisiens en Berry.
- Les v’là qu’envahissent la France périphérique ! Là, ils y viennent chez les Ploucs...c’est quasiment l’exode !
- Les matelas sur les charrettes à bras en moins, quand même ! modère le Guitout qui a connu la guerre, la vraie.
- Oui, c’est vrai ! reconnaît le Dédé. Et puis au moins, ceux- là on est sûr qu’ils vont pas s’plaindre du chant du coq et de l’odeur des bouses ! ajoute-t-il
- Et on a ben la place de les recevoir ! conclut le Guitout en vieux sage qu’il est.
Bref, les Ronchons ronchonnent et les entendre ronchonner me fait du bien. Plaisir à partager peut-être...
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