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Confinés avec Jérémy Bouquin #30

C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.


 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.


Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr


 


Épisode 30


Le missel tombe violemment sur la table basse.

Joe tombe à son tour.

La tête de côté, il convulse... la bouche entrouverte, les yeux révulsés. Personne n’ose l’approcher, lui faire du bouche à bouche… Un massage cardiaque ! Charly l’allonge sur le sol, pousse le fauteuil, commence à presser. Au bout d’une douzaine de minutes, rien ne se passe.

Clarisse, sur le trottoir, tente vainement d’avoir les pompiers, le SAMU. On lui propose d’attendre, tous les numéros sont saturés. Elle explique.

Charly se relève à bout de souffle. Joe est mort. Il file dans la cuisine nettoyer ses mains, à l’eau chaude, frotte avec du savon liquide.

- C’était qui ? Demande Clarisse. Quelques minutes avant, Charly avait tenté de la joindre. Curieuse, elle est passée.

- Un ami, il venait me rendre visite.

- Il vient de loin ? Elle continue, envisageant déjà de gronder Mokhtar pour non respect du confinement.

- Il est mort maintenant...

Silence

La garde champêtre préfère ne pas faire de zèle. Surtout que dans l’après-midi, elle avait perçu des bruits sourds, comme des détonations. Mais postée devant sa série télé, elle n'avait pas bougé.

- J’allais pour partir. Explique Charly.

- Partir ?

Clarisse ne comprend pas.

Gilda et Jérôme sont juste à côté.

- Une autre mission, il explique placidement.

La garde champêtre préfère ne pas savoir, elle a bien compris que le Charly n’a rien d’un prêtre. Il semble sauver les bonnes âmes mais pas forcément par des voies orthodoxes.

Elle laisse filer.

- Tu nous laisses là ! Lance Gilda, avec un mort dans le salon.

- Vaut mieux pas que je reste, sinon, cela risque de se produire à nouveau. Charly est du genre à attirer les emmerdes. Pour lui, les histoires n’ont qu’une sorte de fin et pas des plus claires.

Puis Gilda, comme Jérôme, ont bien vu ce qui s’est passé. Le missel... Charly l’a balancé d’un coup sec dans la gorge de Joe, lui percutant la glotte, pour l’étouffer. Puis, les mains compressées sur les côtes, il l’a terminé. C’était lui ou eux.

Charly, qui n’a toujours pas trouvé les mots pour lui dire adieu, préfère la laisser en colère. Il va chercher sa valise à l’étage, dans la chambre de la belle. Ses frusques sont déjà rassemblées, comme si elle avait anticipé la suite.

Il passe la lanière à son épaule.

En bas, Raoul vient de rappliquer, Clarisse, lui annonce le premier décès dû au coronavirus, le premier de Bouge-le-Château et certainement l’unique de la tragédie.

Le maire retire son béret, dehors le soleil tape fort. Il croise le curé qui descend, comprend qu’il s’en va.

- Vous ne restez pas ?

- Marre des funérailles ! Il lance, toise l’édile en se marrant, de toute façon, maintenant tout le monde se doute qu’il n’est pas curé !

- Je vous aime bien Charly !

Le tueur préfère lui taper l’épaule, tentant presque de réduire la fameuse distanciation sociale prônée par les messages réguliers du gouvernement, diffusés sur les chaînes télé et radio depuis des jours.



 

Épilogue


Sur le chemin du retour, il évitera les grands axes, histoire de ne pas croiser de contrôles routiers, les condés en chasse de vacanciers, ou de parisiens en fuite. Il trouvera des villages et des villes désertes, les annonces à la radio en boucle.

Un chez lui ?

Charly vit à l’hôtel. Les derniers établissements ouverts sont ceux pour les routiers. Eux aussi, oubliés des villes, sans troquets, obligés de chercher le moindre établissement pour se laver. Reste L’Escale en direction de Déols, avant de retrouver l’autoroute, mais ils ne font pas hôtel...

Tant pis.

Charly cherche juste à se poser un moment, reste sur le parking. Il sort un moment son téléphone jetable. Hésite... Il demande les renseignements. Joe avait parlé que Mag était à l'hôpital, en réanimation... Bichat, à Paris.

Il tombe sur le standard. Donne son nom, on lui répond que ça va être compliqué, mais à la fille du standard...

- C’est ma sœur ... Il lâche alors.

La fille craque, dit qu’elle va voir ce qu’elle peut faire. Il attend un long moment, assis sur le capot de sa voiture, à regarder le ciel, pas loin d’une quatre voies déserte.

- Charly... elle souffle, parle à peine.

- Eh oui...

Mag n’a jamais eu de frère. C’est une fille unique. Alors quand on cherche à l’avoir via ce subterfuge, elle devine de suite qui est au bout du fil.

- Joe te cherche... il est sorti, il va te buter ! Elle balance entre deux quintes de toux.

- Il est mort.

- Mort ?

- Mort du corona, il ment.

Elle soupire, son poumon crépite. Elle aussi a failli y passer, elle va mieux elle répond, elle a été sous respirateur, quarante de fièvre. Coriace.

- Et toi Charly ?

Lui, il pense à toute cette affaire. Le Berry, Gilda, les dents qu’il a perdues, son corps couvert d’hématomes, les sutures qui lâchent, ses côtes enfoncées, et peut-être que lui aussi à chopper cette merde, avec Joe qui lui a postillonné à la gueule pendant une heure !

- Je survis.

Mag se marre.

Enfin elle tente de pousser un son qui ressemble à un rire, ses cordes vocales sont complètement sèches.

- Tu crois qu’on va tous mourir ? Elle imagine déjà le pire

- Ça serait trop beau ! Il ironise. Lui, qui n’a jamais apprécié ses semblables, trouve enfin le monde plus sensé.

N'oublie pas que tu vas mourir, lui rabâchait un sergent major sur les théâtres d’opération.

N'oublie pas !

- Tu sais comment se termine la fin de la Peste de Camus ? Il demande à Mag.

- Je n'en sais foutrement rien, je lis pas. Puis je m’en fous !

Elle crache alors dans un haricot. Tousse encore.

- Je rêve d’une clope.

Il va pour raccrocher, Mag semble fatiguée.

- Charly !

- Quoi encore ?

- Tu restes joignable !

- Pourquoi faire ?

- Pour le taff pardi ! Qu’elle râle déjà, agacée.

Joe est mort il a pourtant dit.

- Y'a pas que lui qui cherche des tueurs tu sais !

- Parce que tu crois qu’il y a encore des ordures à buter ?

- Plus que tu ne le crois camarade ! Plus que tu ne le crois ! Elle raccroche là-dessus.



Charly dépose son téléphone sur le capot. Et laisse un moment ce silence l’envahir.

Puis il se rend compte qu’il entend un bruit étonnant, un bruit irrégulier, aigu et plutôt gai. Il cherche un moment et se tourne. Derrière lui, une femme. Du genre mastard, balèze, conductrice d’un 32 tonnes, garé à coté. Elle aussi, elle est surprise.

- Une pie !

- Une pie ?

- C'est rare. On en voit peu. A croire que ce confinement imposera une parenthèse dans toute cette folie

Elle se marre.

Josiane. Elle balance. C'est son blase. Charly apprécie sa philosophie.

- Tu prends des voyageurs ? Demande le tueur.

Elle reluque le Qashqai. La carlingue perforée, la taule cabossée, la poussière et la boue qui couvre les chromes.

- C’est pas la mienne !

La bagnole, il l’a louée, certes. Mais, faux papier, carte de crédit « empruntée », permis de conduire falsifié. Depuis le début, le tueur efface la moindre de ses traces.

Charly ouvre le coffre, dedans le sang coagulé du vieux Serge. Son chapeau aussi.

Il tire son sac de voyage, claque la portière. Il se retourne vers la Josiane qui semble toute étonnée.

- Tu ne me demandes même pas où je vais ?

Lui s’en cogne.

Voyager dans le bahut, c’est rouler en paix, pas de contrôle de flic, pas de souci, puis elle semble de bonne compagnie :

- M’en fout. On me trouvera de toute façon.

On trouve toujours des gens comme moi !

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