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Confinés avec Jérémy Bouquin #29

C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.


 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.


Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr

 


Épisode 29


Joe

C’est Joe.

Son vieux camarade.... Comme lui Joe a été bidasse, trouffion, la guerre d’Algérie, une saloperie.

Ils en avaient parlé un jour, le seul où les deux hommes s’étaient croisés. Ils s’étaient vus dans un rade, un truc à putains, avec une cave pour aller consommer justement. Une sorte de boites à partouze.

Joe aimait aller y mater.

Pas du genre tringleur mais il aime voir les autres se faire plaisir. Puis il aime aussi qu’on le suce, mais attention, pour l’hygiène ! Pas pour autre chose !

Joe quoi !

Les deux gars avaient passé un temps dans ce rade à causer de leurs petites histoires de guéguerre, de militaires. La légion étrangère, les fusils mitrailleurs, les stratégies de combats... une discussion certainement attrayante pour un amateur. Une horreur pour un néophyte.

Mag était là, elle s’en foutait, pour l’avocate tout ça c’est du folklore. Elle est bien allée se détendre un peu en bas, histoire elle aussi, de « soigner son hygiène de vie » avant de remonter...

Une sacrée soirée.

Les deux hommes avaient sympathisé.

En bon camarade, Joe et Charly étaient bourrés comme des coins, Mag les a fait ramener chez eux. Depuis, ils ne se sont jamais recroiser.

Charly a plusieurs fois travaillé pour Joe. Mais se voir, c’est bien la seconde fois.



Et s'il y a une chose qu’a bien compris Charly concernant Joe, c’est qu’il n’aime pas attendre. Déjà dix minutes sont passées depuis le coup de fil. Charly n’a pas bougé, tout s’est bousculé dans sa tête... cette histoire de Serge, de came, puis maintenant Gilda.

Évidemment, il a pensé à fuir ! Se barrer de là, oublier la belle ! Son mioche, les laisser à Joe.

Fuir ! Quoi !

Rien à foutre, après tout, il a le missel, il a de quoi changer de vie, de pays, de …

Puis. Non, il est resté.

Impossible de savoir pourquoi exactement, il est resté à planquer là, dans le recoin du grand Parc, avec une vue imprenable sur la façade de la petite maison de Gilda. La peinture rose claire fatiguée, le toit en ardoises où se retrouvent son fils et son pote Ange.

Charly a fini par y aller.

Kamikaze, stupide mec ! Con fini !

Il a composé un numéro. Puis il a raccroché.

Il est sorti de la bagnole, sans même prendre le Glock qu’il a laissé dans la boite à gant. Il s’est approché... Le molosse à la porte l’a vu, il a de suite fourré sa paluche dans sa veste. La mine patibulaire, la porte ouverte. Joe a lancé un ordre inaudible.

- Attend.

Le cerbère, deux fois la taille de Charly, l’a fouillé, palpant le moindre recoin, virant le blouson en cuir léger, tapant les côtes déjà bien douloureuses.

Il a sorti le missel. Le zippo aussi, un paquet de clopes vide, des mouchoirs en papier, le téléphone prépayé. Pas de gun, pas de lame !

Réglo.

- Il est clean. A lâché le boxeur.

Il a laissé Charly entrer dans la petite maison. Il a tout de suite repéré Gilda et Jérôme assis dans le petit canapé face à Joe coincé dans un fauteuil

Mal en point le patron.

Fatigué, le teint pâle, complètement engoncé dans son blouson, il tousse à sans faire décoller la plèvre.

- J’ai chopé cette saloperie de virus... Il tousse encore, il n’arrive même pas à respire, il siffle à chaque inspiration.

Fiévreux, malade, il ne se cache même pas. A chaque quinte, il en crache ses poumons sur la table basse.

Contaminé.

Joe est né en 1969, en pleine grippe de Hong Kong ! Sa mère en est morte. A l’époque on n'en faisait pas tout un plat ! Qu'il radote. Elle aura laissé tout de même plus de 31 000 victimes, dans l’indifférence la plus complète.

Il rigole, tousse encore, s’étouffe presque. Il en crache par terre. Racaille.

Complètement amorphe.

- T’es sorti de prison ?

- Aménagement de peine, il explique sans souffle. Chaque mot lui pèse : suis malade, très malade, alors Mag, elle a géré.

Mag justement...

- En réanimation... Ils l’ont intubé. Elle va crever... Il inspire comme il peut. En apnée, il tente même de se lever avant de se raviser.

Derrière, l’unique molosse tente de garder un périmètre. Le mec, un ancien boxeur du quartier. Mokhtar est l’un des fidèles parmi les fidèles, celui qui ne le quitte jamais, ou rarement (tout dépend des séjours en prison)

- Alors vieux camarade, il paraît que tu l’as trouvé !

Il parle de ce fils de pute de Garry, celui qui l’a balancé aux cops.

- Il est mort !

Charly a rempli le contrat. Il ne comprend pas d’ailleurs pourquoi Joe est là. Il ferait mieux d’être au fond de son lit, sous oxygène.

- Tant mieux, mon ami... tant mieux... Mag m’a parlé d’un numéro...

Les comptes en banque. Joe a dû apprendre qu’on avait retiré dix mille balles d’un des comptes off-shore maquillés par Garry.

- Garry était mon comptable... il a peut-être gardé un secret ou deux...

Joe attend...

- J’ai trouvé le téléphone, il est dans une consigne à la Poste.

- Une consigne, siffle Joe qui soupèse du regard Charly. Il tente de lire en lui. Le tueur ne moufte pas.

- Installe-toi mon ami... Viens avec la petite famille...

Joe sort un mouchoir en tissus, tousse dedans, s’essouffle de plus en plus. Derrière, Mokhtar recule de plus en plus.

Charly va se tasser entre Gilda et Jérôme, une fesse seulement, il tient à peine, mais cherche à se mettre bien en face...

- Je cherche des codes, des numéros, une série... Il inspire, crépite même de la gorge.

- Garry est mort.

- Il a peut-être laissé des choses.

- J’ai fouillé l’église.

- L'église ? Il râle, sa voix tremble, la fièvre l’assomme. Joe est de plus en plus pâle.

- Il en était le curé.

Là, Joe étouffe un rire, mais rapidement, il se tord, se contracte, manque ne plus pouvoir se reprendre. Ce virus est bien plus terrible que la grippette dont on lui avait parlé en zonzon. Dans les débuts, les médecins semblaient se moquer des symptômes. Ils voyaient les Chinois s’exciter pour rien ! L'occident se moquait, jusqu'à finalement aujourd’hui confiner le monde entier dans la peur. Le virus, en quelques jours, avait réussi à faire dérailler la bourse, terrer la moitié de l’humanité...

Même Joe semble si fragile.

- Tu me mens. Il souffle alors. Il est en rage. Tu me mens ! Il se recroqueville, tremble, la fièvre monte de plus en plus.

Mokhtar ne voit plus, entend à peine. Il n’a que la famille et Charly pour tout point de vue. Le dos du fauteuil imposant cache son chef

- Tu sais... Il le voit.

Charly, à ce moment-là, sourit. Il sourit, et sort le missel...

- Je peux te lire un passage de la bible...

Il a corné une page justement, une page précise :

« Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort »

Il ferme le missel, l’agrippe.


A ce moment-là, justement, on frappe à la porte de la petite maison. Mokhtar sursaute.

- Bonjour... bonjour, excusez-moi... Le véhicule garé devant...

- Quoi ? Surpris, le cerbère est tellement concentré sur son taulier, qu’il en a oublié de garder la porte. Il tombe alors nez à nez avec Clarisse.

La jeune femme apparait, en uniforme.

- Bonjour, Police ! La voiture garée devant, elle est à vous ?

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