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Confinés avec Jérémy Bouquin #28


C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.


 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.


Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr


 



Épisode 28


La balle a tapé la carlingue, celle du Quashqai.

Une étincelle puissante inattendue. Serge, par réflexe, a dressé le calibre en tentant de voir, dans les toits, celui qui venait de le canarder. Pas le temps de comprendre qu’on lui agrippe le canon.

Charly !

Qui l’empoigne, le tort, Serge qui presse la gâchette.

Bordel de merde.

En plein déséquilibre, avec le recul de la pétoire, il s’effondre en avant, se tape la tête au rétroviseur, Charly lui arrache le calibre, une deuxième bastos qui siffle à quelques millimètres de l’oreille du pseudo curé.

- Arrête gamin ! Arrête !

Il voit Ange sur le toit, le calibre à bout de main, le deuxième Glock, celui que Jérôme a débusqué le jour où il a fouillé la piaule de Charly.

Les deux gosses ont certainement joué avec... Genre gangsters vu qu’on ne diffuse plus de westerns à la télé !

Ange sort le nez, il se redresse de son toit. Le hussard s’en est visiblement bien tiré. Le vieux est mort, au sol, la tête enfoncée, le rétroviseur ne l’a pas loupé.

Il a les yeux ouverts, vides de vie, et la bouche de travers, la langue sortie. Charly, le fusil de chasse en main, le tourne d’un coup de pompe, lui aligne la caboche, des fois qu’il ferait semblant.

- C’est terminé !

- Il est...

Le gamin devine.

Charly préfère ne pas répondre.

- Rentre chez toi ! Rentre.

Le gosse ne se fait pas prier, il file de faitages en ardoises, aux bordures de zinguerie, rejoint l’auberge parentale pour s’y faire tout petit. Il laissera le calibre sur le toit. Pour ne plus jamais y toucher, Charly le récupérera plus tard.


Une deuxième cérémonie pour la journée, deux funérailles.

Le vieux Serge aurait apprécié qu’on l’enterre là, dans son sous-bois entouré de ces champignons hallucinogènes. Une douce odeur de vanille, justement, envahit les bosquets, celle de cette étrange espèce qui se révèle bien plus puissante qu’elle n’y paraît, au point de faire dérailler des cuisiniers et d’en faire des poètes, de pousser Chantal à voir apparaitre Jean Gabin dans les jardins.

Le temps d’y creuser un trou, le plus profond possible entre les racines des chênes centenaires et le buisson de gui aux fleurs déjà blanches. Y'a plus de saison, voilà que fin mars début avril, le printemps pointe déjà le bout de son nez.

Il donne un coup de bêche, dézingue les champignons un long moment, compte bien faire en sorte que toute cette flore mycologique ne pousse plus, ne vienne plus polluer le village, enrichir les magouilles et les margoulins et polluer la nappe phréatique.

La bêche, qu’il a récupérée chez Gilda, qui lui a refilé sans même lui en demander plus. Faut dire, elle a entendu les coups de feu, comme tout le monde dans la rue, le village...

Personne n’a sorti le nez des fenêtres, alors que d’habitude, à chaque mouvement, chaque claquement de portière, on y voit un visage de curieux qui pointe !

Il creuse Charly.

Il creuse un long moment.

Souffle comme un veau, mal au dos, aux côtes, cette aventure berrichonne lui aura couté cher ! Il creuse, tape enfin ce qui ressemble à un sol plus argileux. Il semble satisfait de la profondeur. Là, pas sûr qu’on tombe dessus de sitôt.

Il va ouvrir le coffre de son SUV. Trouve le corps déjà bien rigidifié du vieux, le bascule sur son épaule. Il est léger Serge.

Le tueur le dépose dans le fond, la tête calée entre deux pierres, le regard toujours ouvert. Il ne lui fermera pas les yeux, impossible de le laisser reposer en paix.

Vieille Carne.

Pas un mot. Pas un souffle pour lui. Charly fouillera son corps pour en sortir le missel, la blague de tabac et surtout le Zippo en cuivre jaune. Bien mieux que son briquet en plastique Bic, il se roule un clope à l’ancienne, goutte le tabac brun, l’odeur vague de fleur de champignon. C’est vrai que cela fait disparaitre les rhumatismes, et la souffrance du quotidien, comme lui avait vendu la centenaire Suzanne sur son lit de mort.

Allez !

Il jette le mégot dans le trou, recouvre la dépouille. S’en est fini ! Le temps de tasser, de recouvrir d’un peu de mousse, de feuillages, et de passer et repasser à pieds dessus, il en termine son jardinage printanier, pour aller s’en retourner.

Et demain ?

Il pose la pelle dans le coffre, claque la portière. Il reste un moment-là sur le bord de la route. Cherche son téléphone pour appeler Mag, lui raconter toute l’histoire.... Il compose, attend un moment, cela ne répond pas. Il balance un texto :

J’ai terminé le job.

Il enverra une photo de la tombe de Garry, celle du curé mort six mois plus tôt. Il va devoir s’appliquer à raconter une histoire de berrichons trafiquants de came... Un truc à dormir debout.



Il lance le moteur du SUV pour retourner à ses pénates, ce soir, il se barre ! Ce soir il se rentre chez lui, le temps de faire sa valise, dire adieu à Gilda.

Oui, dire adieu...

Il cherche les mots sur le chemin du retour. Charly est un tueur pas un bavard, pas du genre romantique, ni même passionné, mais avec Gilda, c’est pas vraiment pareil.

Elle est bien cette nana, gentille, attentionnée, elle n’a pas cherché à savoir, elle ne pose pas de questions quand lui revient presque mort.

Alors, des mots, il lui doit bien cela.

Le temps du trajet est trop court pour en trouver suffisamment, il voit déjà passer le panneau de Bouge le Château, le clocher au loin de son église, le sous-bois est derrière lui.... Le temps de passer devant le jardin de jeu pour enfants, vide, tout comme les rues.

Charly s’étonne de voir une voiture devant chez Gilda.

Une voiture noire, vitre teintée.

Un type dehors devant la porte, le genre de mec qui n’a rien à faire là et surtout pas les bras croisés. Des lunettes miroirs vissées sur le nez. Il tient la garde.

Charly continue, l’air de rien, remonte la rue pour faire le tour. Et revenir par un chemin parallèle que maintenant il connaît bien, longe le parc du château, pour aller se nicher dans le haut.

Il y a du monde chez Gilda, pas des visiteurs, pas des locataires pour le gite. Non. Là on parle d’un rendez-vous avec le diable en personne. C’est lui qu’on vient chercher. Lui et personne d’autre.

Charly reprend son grelot, le téléphone prépayé, cherche à rappeler Mag : répondeur. Là, il laisse un message.

- Y'a du monde pour moi Mag ! Rappelle-moi !

Il dépose le téléphone, mais il ne faut que quelques secondes pour que ce coup-là, on lui réponde... On lui répond trop vite même.

- Charly ?

Silence.

C'est pas la voix de Mag mais celle d’un homme. Un timbre rauque, presque éraillé, une voix qui manque de souffle, une quinte de toux qui vient taper dans l’appareil.

- Charly, c’est toi ? Mon vieux camarade...

Il n’y a qu’une seule personne qui le surnomme ainsi, une seule personne, mais comment a t-il fait pour le retrouver.

- Je t’attends Charly... Nous t’attendons, ton amie et moi. Je sais... il tousse, il tousse plusieurs fois sèchement dans l’appareil. Nous t’attendons chez elle.

Puis il raccroche.

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