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Confinés avec Jérémy Bouquin #25

C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.


 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.

Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr

 




Épisode 24

Charles ?

Père Charles ?

Il a compris qu’il vivait quand il a toussé ! Une canne terrifiante, celle de ses bronches prises par la poussière, des tonnes de crasses, rien à voir avec le virus !

Les premières inspirations, c’est comme une résurrection, des douleurs d’un corps tordus dans un lit trop mou, des côtes cassées, de bandages pressés autour de torse. Il se découvre emmailloté, dans une chambre qui n’est pas la sienne.

Le corps couvert de cicatrices, d’hématomes, le visage lardé de coupures, une oreille qui résonne, la sensation d’être passé sous un camion, et à chaque respiration l’impression qu’un volcan bouillonne dans sa poitrine.

Il tousse, manque cracher, avant de gerber, des glaires, du sang, une mélasse noire et brune, des caillots.

- Vous êtes réveillé ?

Une voix, celle de Gilda.

Inquiète.

- On est…

Il cherche ses mots, sa langue est lourde, il est pris de vertiges, de fièvre aussi, certainement une infection, il trouve sur le rebord du lit, une table de chevet avec des médicaments, des grappes entières, du fil aussi, des aiguilles, des bassines par terre.

Cette chambre, c’est celle de Gilda.

- On est samedi...

Combien de jours il a dormi, il doit compter. Trois ? Il n’en revient pas. A poil, il se tortille alors pour cacher un peu... ce qu’elle n’aurait pas...

Bref !

Il a trop mal pour faire trop de mouvements, chaque mouvement lui rappelle qu’il est vivant, et que les vivants sont faits pour souffrir.

- On vous a retrouvé... Clarisse, elle m’a appelé.

Il ne comprend pas vraiment. Le dernier souvenir, c’est lui qui tire sur Guillaume touche au passage un bidon. Puis un souffle, celui de l’air chaud, d’une explosion. Noire.

- Les gendarmes ont parlé d’un règlement de comptes, ils ont enquêté, ils sont venus d’Orléans, de Châteauroux. Ils ont interrogé Clarisse.

Il attend.

Gilda contrôle les plaies, elle tire un fil qui dépasse, une suture de travers au-dessus de l’arcade sourcilière de Charly. Elle est douce, appliquée, elle n’en est pas à son premier rafistolage ; il ne lui demandera pas comment.

Une autre vie encore...

- Et moi ?

- Les gendarmes ne savent rien de vous, elle lance, elle a le sourire.


Clarisse n’a rien dit, elle a juste expliqué être arrivée, les coups de feu entre eux, le conservateur qui tentait de se défendre, Tiny qui, avec ses potes, ripostaient, elle qui venait pour leur demander de s’arrêter...

Voilà.

- Les flics ont tout gobé ? S’étonne Charly. Il a rencontré plus récalcitrant, en règle générale les condés sont bien plus curieux, ils auraient pu rapidement voir que les bastos tirées sur les lascars venaient tous du même calibre.

- Le feu a ravagé une grande partie du bâtiment, des corps.... Puis ces individus semblaient avoir déjà quelques problèmes avec la maréchaussée, elle conclue. En ce moment, les gendarmes sont sur le qui-vive, l’épidémie vire à la pandémie. Dans le pays, c’est un silence de plomb, les gens ont peur.

Elle tend à Charly plusieurs gélules, des médicaments pour combattre l’infection.

L’histoire prend un drôle de virage.

- Je suis … désolé.

Il parle du lit, de ses sutures, ses blessures.

- C’est Emile qui vous a emmené. Emile le cuistot avec sa brouette.

- Pourquoi vous ?

- J’ai été infirmière. Cela tombe sous le sens.

Il se pose sur le coussin, il tente d’inspirer profondément.

- Je vais partir demain.

- Vous avez le temps, elle soupire. Elle prend une éponge, l’essore. L’eau à l’odeur de javel, semble brune aussi, elle est chaude encore, elle lui nettoie la cuisse, une plaie s’est ouverte.

Charly a le corps lardé d’autres cicatrices, de plaies plus profondes, de traces de balles, d’éraflures, mais aussi de tatouages, des visages et corps de femmes dessinés pour cacher justement les stigmates. Des phrases aussi, celles de citations latines. Parabellum.

- Je ne suis pas curé, il finit par lui lâcher.

- J'avais bien deviné, elle rigole, elle frotte encore. Elle passe sa main rapidement, elle cherche un moment à tirer le drap, il semble que la friction réveille d’autres... émois.

Lui, va pour se retourner, il cherche son regard.

- Gilda...

Là, elle l’embrasse, sur la bouche. Elle refuse de savoir, elle passe sa langue, et cherche juste à se réconforter :

« J’ai cru que vous alliez mourir... que vous... »

Elle l’embrasse encore et décide de le rejoindre dans ce lit, sous l’édredon en plume épais. Elle se laisse bercer, se faire déshabiller, lui plus tendre qu’à l’accoutumé. Il caresse longuement son dos, défait l’agrafe de son soutien-gorge...

- Je ne suis pas belle, elle lui chuchote, elle cherche à le repousser quand lui veut juste la regarder, tirer ses longs cheveux, trouver sa poitrine, ses seins lourds. Elle se presse contre lui, s’étire vers l’interrupteur.


La nuit est passée au petit matin... on frappe à la porte vitrée.

- Maman ?

Jérôme qui l’appelle.

Gilda n’a pas entendu qu’on tapait au carreau, elle est bien dans les bras de son guerrier. Charly va mieux, respire juste avec un petit râle. Il ouvre à peine un œil qu’il voit les fesses blanches de la taulière glisser du lit pour passer une culotte, une robe de chambre...

On cause un moment dans la cuisine.

Charly finit par se lever. Dans un coin de la chambre, sa valise. Gilda a dû la ramener du gite. Il passe un caleçon, son jean fripé et un sweat. Souffre à chaque mouvement, avant de découvrir qu’il saigne encore du front.

Raoul ! Le maire.

Il voit le curé, la gueule noire, les yeux enfoncés. Cabossé !

- Mon père !

Charly va pour corriger le maire mais l’autre lui lance.

- Mon père j’ai besoin de vous...

- Je ne suis pas...

- Pour un enterrement. Celui de notre centenaire, elle aurait tellement voulu que vous officiiez.

Derrière Jérôme ne dit rien. Il sait pour Charly, que sa mère a passé trois jours à le soigner, et ce que son pote Ange lui a raconté aussi, tout. Il reste passif derrière.

- Pour nous, vous devez bien cela ! Non ?

Charly a hésité... avant de se rendre compte que tout cela n’était pas complètement terminé.

Pas encore.



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