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Confinés avec Jérémy Bouquin #23

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C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.


 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.


Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr

 


Épisode 23


La même planque que la nuit dernière.

Toute la journée fourré dans le bosquet, Charly est revenu espionner les mouvements de Tiny. En plein jour, présent dans la grande ferme, difficile de l’approcher. Puis il y a le molosse qui traîne dehors, une chaîne large qui retient le pitbull. Le clébard qui tourne comme un fauve, certainement lui aussi excité par ce qui s’est passé cette nuit.

Les caméras de surveillance, l’attitude de Tiny, qui fume clope sur clope sur le palier de la maison, Charly sent bien que la racaille fromagère piétine.

Il attend.

Il attend qui ? Quoi ?

Charly, calé dans le Qashquai, le Glock dans la boite à gant, est prêt. Il a continué de prendre des photos.

Le gosse des toits lui a confirmé que Tiny était Garry. Maintenant, la mission prend un tout autre tournant, de chasseur, de traqueur il redevient ce que pourquoi on l’a recruté :

Tueur !

Il décroche son téléphone encore. Mag, sa patronne.

Il tombe sur le répondeur, encore…

« C’est Charly, je sais qui c’est, je m’occupe du “ projet ” et je te balance deux photos. Pour confirmation. »

Charly compte bien agir dans la journée, en terminer rapidement, se barrer dans la foulée de Bouges et rentrer chez lui.

Ras le bol du silence, du village, de ses habitants. Il est ici comme un étranger, depuis qu’il est arrivé, il sent bien qu’on le regarde de travers.

Impossible de faire le moindre mouvement sans être visible, entendu. Oui. Qui pourrait croire dix jours de plus que Charly est curé ?

Du mouvement.

Il se tend.

Une série de grondements remonte le long de la départementale en contrebas, direction Levroux, toujours, l’axe vers l’autoroute, celui par lequel il est arrivé.

Des sifflements d’oiseaux, du silence de la campagne ou tout simplement du confinement, le hurlement des moteurs vient perturber la torpeur du moment.

Merde !

Une série de voitures, trois puis quatre, toutes approchent à grande vitesse. Des berlines comme celle de Tiny / Garry, une Jeep aussi, derrière, plus lente et plus lourde.

C’est quoi ce bordel !

Charly se tasse, les voitures passent devant le Qashqai légèrement enfoncé dans le petit sous-bois, aucune ne semble le repérer. Immatriculation dans le Loiret, trois à cinq pèlerins dans les voitures, gavés de bonshommes. Il se garent dans la grande cour gravillonnée, alignent leurs bagnoles, la Jeep ferme la marche et se met en travers comme pour bloquer l’accès à la cour.

Ça sort !

Une vingtaine, des mecs en jogging, jeans larges, tee-shirts de joueur de basket, lunettes miroirs, des allures de rappeur pour la plupart, de toutes les nuances de peaux, un melting pot d’origines qui n’ont rien à voir avec les blancs becs du coin, on se serre les paluches, check, donne des coups d’épaules, comme une équipe de quarterbacks qui s‘apprêterait à venir sur un stade de foot américain, gros son bien grave dans les enceintes qui résonne dans tout le quartier, l’arrivée est plus que bruyante, rien de discret. Les gars dans la Jeep sortent déjà des caisses, ouvrent pour dégager des calibres.

Charly reconnait de suite : Kalachnikov, Uzi, la panoplie guerrière de tous les gosses des cités.

Des renforts !

Le tueur ne s’attendait pas à cela. Il reste un moment à fixer ce qui se trame, Tiny qui s’adresse à chacun, les connait tous, refile une enveloppe au premier, le plus grand, un noir, bonnet rouge sur la tête, qui semble le leader des renforts.

Ils vont pouvoir s’installer, dans les chambres, le salon, ils iront faire le plein au Auchan, cet après-midi, acheter de la mayonnaise, des burgers, des steaks ! Tout le monde ricane, pourtant rien ne fait penser qu’ils sont là pour venir en vacances.

A cette distance, impossible de savoir ce qu’ils se disent, ils échangent un long moment.

Tiny fait voir la grange, fait visiter les alentours, montre les caméras, son Smartphone. Bonnet rouge disperse quelques gars, un peu partout, surtout en bord de route, quand une petite voiture approche.

Guillaume Audru, le conservateur qui se balade dans sa petite Smart, qui se glisse derrière la jeep sans problème pour venir saluer tout ce petit monde.

L'air de rien !

Des grands airs, plutôt à l’aise. Même pas surpris, les gars autour montrent tout de suite les crosse, mais Tiny leur demande de se calmer : mon associé !

L'ensemble se calme.

Charly n’en revient pas. Le conservateur fait du business avec la racaille fromagère… Garry. Il prend une série de photos, tente de zoomer sur la scène, Bonnet rouge se présente à son tour, suspicieux. Faut dire, là c’est deux mondes qui se percutent ! Un molosse guerrier de l’asphalte, certainement taulier de hall d’immeuble, patron d’un gang de quartier, et de l’autre le très guindé conservateur du château, fonctionnaire d’État au Ministère de la culture, charpenté comme un asticot longiligne, la mèche plaquée, les lunettes double foyers, le costume en laine.

Les deux se serrent la paluche, il n’y a d’un coup plus de gestes barrière, plus de virus. On se fixe droit dans les yeux. Tiny / Garry fait les présentations.

La situation de crise est telle qu’ils se rencontrent pour la première fois alors qu’ils bossent ensemble.

On discute un moment dans la cour, il fait beau, les gars sont positionnés, pendant qu’une demie douzaine range la grange et sort avec des cartons. Ils se préparent à se barrer.

La planque est compromise.

Va falloir ruser, Charly ne peut laisser Tiny / Garry se barrer. Il cherche alors un plan, descendre par en bas, contourner la baraque, tenter de chopper Garry un moment où il est tout seul… Trop risqué, impossible de sortir. Le butter en bagnole ?

Charly ouvre sa fenêtre, s’allume une blonde. Souffle.

Charly cogite à toute vitesse, voit la situation se dégrader au fur et à mesure. Avant d’entendre le pitbull japper comme un fou. Le voilà qui tire la chaine, il gronde comme un beau diable, il avance le plus possible, le molosse, il vient de repérer quelque chose de suspect, dans le sous-bois justement.

Junior !

Tiny / Garry va pour le rappeler à l’ordre. Junior !

Mais le chien s’agite encore plus. Charly se croit alors démasqué, deux types au bord de la route, se tournent voit le Qashqai. La silhouette de la caisse est à peine découpée derrière le buisson et les bosquets épais de fougères. Mais en se concentrant bien…

Oh !

Quoi ?

Un autre problème, une voiture justement, une voiture qui approche, encore, mais là, les lascars ne s’attendaient pas à cela : Police ! Police !

Y’en a un qui siffle comme dans le quartier, mais au lieu d’aller se planquer, le canon des kalachnikov se redresse légèrement.

Non !

Charly sursaute… Clarisse, la garde-champêtre, qu’est-ce qu’elle fait là ! Elle ralentit, ouvre sa vitre à peine et sort le nez de son mégaphone :

Contrôle de police, messieurs ! Nous sommes en état de crise sanitaire grave ! Nous sommes en confinement ! Tout déplacement est interdit ! Je vous demanderais de me sortir chacun vos attestations dérogatoires de sortie !

Elle va pour sortir.

Elle n’aura pas le temps de répéter que le premier coup de feu éclate et vient balayer son pare-brise.

Police !

Nique la police !

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