top of page

Confinés avec Jérémy Bouquin #19

la-bouinotte

C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.

 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.


Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr

 


Épisode 19


- J’ai droit à un avocat !

Charly la provoque, avec son rictus cynique, et surtout son air de ne pas y toucher. Il suit Clarisse la garde-champêtre, direction la petite mairie qui fait aussi office d’agence postale.

Elle le tient à l’œil, même si ce matin, elle s’est fait une couleur, et visiblement s’est légèrement apprêtée. Elle tient à portée de main sa petite gazeuse, une giclette de lacrymo, jamais utilisée, le temps qu’elle la dégaine, vire la lanière de sécurité, Charly pourrait facilement l’immobiliser, la plaquer contre un arbre, et lui balancer deux coups de poings dans le plexus solaire, pour la terminer au sol.

Mais non.

Charly sifflote, se laisse emmener.

Il fait même de l’humour en demandant si elle compte lui passer les menottes, ce genre de provocation qui ne plait pas du tout à la jeune femme qui préfère ignorer ses remarques limites graveleuses.

Elle reste concentrée, certainement persuadée de mener l’affaire de sa vie, certes ce n’est pas tous les jours qu’on embarque un curé pour un interrogatoire.

Personne dans la rue, le confinement est respecté, deuxième jour en France. Le temps y est suspendu. Une sensation de jamais vu, d’incertitude, d’anxiété aussi.

Moins de trois minutes suffisent pour aller du gite à l’hôtel de ville. Il est à peine huit heures du matin, elle passe devant, garde toujours Charly près d’elle, malgré les mesures de périmètre de sécurité déterminées par une note interne de l’ARS, pour la protection des salariés des forces de sécurité. Clarisse est abonnée à la newsletter qu’elle lit chaque matin attentivement, les recommandations d’usage y sont précises, on y vulgarise les derniers documents officiels, les notes de la Préfecture de police… C’est vraiment très intéressant.

Elle le laisse passer devant, le hall y est sombre, le guichet de la poste en face, le bureau de la secrétaire juste à côté, une porte blindée a été montée pour y garantir la sécurité des dépôts et des consignations.

Au fond !

Une petite porte, juste à côté de celle du bureau du maire, celui de Raoul. Il trouve alors une pièce minuscule, la même que Clarisse doit partager avec la permanence mensuelle de l’assistante sociale et du médecin de la PMI.

Elle propose à Charly de s’asseoir en face, le temps qu’elle retire sa veste, la pose sur un perroquet bancal et qu’elle prépare son ordinateur qu’elle sort d’un tiroir fermé à double tour. Elle en dégage un épais portable, de seconde main, l’écran fêlé dans le coin. Avec son Windows 2000 Millenium, elle doit attendre que la machine charge avant de consigner les premiers éléments de son rapport.

- Vous savez pourquoi vous êtes là ? elle demande comme si cela tombait sous le sens.

- Non, mais vous allez me l’expliquer… ma fille, il lance sarcastique. Il compte pas l’aider, et certainement pas jouer la peur.

Il est dans son élément Charly, il sait qu’il peut en quelques secondes la retourner, la tuer s’il le faut. Ils ne sont que tous les deux… Il calcule à nouveau, sa position, le bureau, elle est presque à portée de main… Un prédateur.

Toujours prêt à bondir.

Mais là, il attend, la partie va pouvoir commencer.

- Je vous demanderais de déposer ce que vous avez dans vos poches.

Pourquoi ?

Elle ne s’attendit pas à cette question.

- Pourquoi ? Pourquoi quoi… elle cherche, parce que je vous le demande.

Surtout, elle a vu cela dans plusieurs films, des séries télé, et aussi un documentaire sur M6. Les autres le font, c’est que cela fait partie de la procédure.

- Quelle procédure ? continue de la provoquer Charly le curé, bien droit, son col blanc qui lui gratte le cou. Il la juge un long moment.

Elle se décompose.

- S’il vous plait… Elle bredouille.

Il préfère, c’est plus gentil…

Il sort son missel, un canif, deux trois pièces, un kleenex usagé, son briquet BIC et un paquet souple de blondes déjà bien entamé.

- C’est tout ?

C’est tout ! Il est catégorique.

Elle commence à frapper sur son clavier. Rare pour un flic, elle utilise tous ses doigts.

- Vous n’avez pas vos papiers ?

- On me les a volés !

Elle relève son nez de l’écran.

- Volé ?

- Cette nuit, on a fouillé ma chambre, on a volé des choses, justement je voulais vous voir pour en parler.

Elle n’en revient pas.

C'est un mensonge bien évidement. Les papiers de Charly sont dans la voiture, au nom de Charles Porter. Militaire de métier à ce moment-là. Il préfère bluffer, elle n’ira pas chercher de toute manière. Pas maintenant. Il préfère la laisser végéter.

Clarisse frappe alors sur son PC :

Le père Charles explique avoir été cambriolé.

- Vous vous en êtes aperçu quand ?

- Je revenais du château. Une longue histoire…

Elle ne bronche pas.

Comme si elle savait déjà.

- Vous êtes un drôle d’individu, mon père.

- Si vous le dites.

- J'ai fait des recherches, une enquête préliminaire vous concernant. Depuis le début je vous trouve louche.

Hier déjà, elle le surveillait, Charly ne serait pas étonné qu’elle ait fouillé sa piaule et qu’elle y ait découvert le Glock… mais autorisation du procureur pour perquisitionner, la garde-champêtre va rapidement tomber pour vice de procédure.

- Je ne vous aime pas. Elle joue la réplique d’un autre film là… mais lequel. Charly ne trouve pas. C'est peut-être un western même.

Elle se lève et s’approche du curé, elle se penche à quelques millimètres de son oreille. Lui, se retourne et lui susurre :

- Vous savez que le délit de sale gueule est interdit en France.

Son haleine est infecte.

- J’ai téléphoné au diocèse, ils disent ne pas avoir de curé remplaçant, et encore moins un prêtre disponible sur la commune, je leur ai donné votre nom. Le secrétaire général, l’abbé Boizeau ne vous connait même pas ! Y’a pas de père Charles dans cette circonscription.

- Je suis de Cergy, il corrige. C'est normal.

Elle ne sait quoi dire, elle n’est pas spécialisée dans l’organisation cléricale. Elle retourne à son clavier pour noter l’information.

- Je vais leur téléphoner dans la matinée. Cergy… elle frappe.

Elle n’en a pas terminé.

- J’ai pris votre immatriculation, j’ai téléphoné à mes collègues gendarmes qui ont trouvé votre plaque, vous avez loué le véhicule au nom de Charles Porter.

- C’est mon nom.

- Vous êtes né quand et où ?

Il balance une date au pif, et un lieu tout aussi aléatoire, le temps qu’elle se rende compte que l’information n’est pas bonne… Il va gagner un peu de temps.

- J’appellerai la brigade cet après-midi quand ils seront disponibles. Nous pourrons ainsi vérifier qui vous êtes…

Il hausse les épaules, N’y oppose aucune objection.

- Ces tatouages sur vos bras… vos doigts, vous sortez de prison.

Elle les a observés longtemps la veille, comme tout le monde, elle les a bien remarqués, surtout ceux sur les doigts, l’index essentiellement avec une strie dans la première phalange typique de certains tireurs d’élite…

- L’armée, la Légion, il dit. J’y étais aumônier.

Elle note encore.

- Vous fouinez souvent quand vous arrivez quelque part ? elle lui lance alors.

Là, elle le déstabilise.

Là, elle joue avec ses nerfs et surtout, elle a dû apprendre des choses sur cette virée nocturne.

- Et vous Clarisse… qui êtes-vous réellement ? il lui retourne, il se courbe et s’approche suffisamment d’elle pour se tenir à moins d’une portée de main. Il pourrait lui prendre la tête et la fracasser d’un coup contre le clavier.

Il souffle.

Elle blêmit.

La porte alors s’ouvre !

- Mon père je vous cherchais justement ! Explose Raoul à bout de souffle.


Comments


bottom of page