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Confinés avec Jérémy Bouquin #17

la-bouinotte

C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.


 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.


Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr


 


Épisode 17


Jean Gabin lève les bras.

A cette distance-là, on suppose que c’est lui : tirez pas ! il fait.

Il ne bouge pas. Mais visiblement, ce n’est pas un comportement de fantôme.

- Tirez pas !

Chantal, à coté, hurle comme une folle, elle s’est planquée derrière le curé, Charly avec son Glock tendu qui vise la trombine du soi-disant fantôme.

Il le garde dans le viseur un moment.

- Vous êtes qui ? il demande.

- Et vous ?

- Je suis le curé et vous ?

- Le conservateur du château : Guillaume… Guillaume Audru ! Il ose alors faire un pas, juste pour qu’on le voit mieux.

Chantal pousse un couinement, puis une sorte de gloussement… Elle se rend alors compte qu’il s’agit de son patron, et en rien d’un fantôme.

- Monsieur Audru ?

- Chantal !

- J’ai vu le fantôme, Monsieur Audru, alors je suis allée chercher monsieur le curé, comme la dernière fois…

- Je vois Chantal, je vois, il avance alors, Charly en profite pour baisser le canon de son calibre, commence à comprendre que ces deux-là sont perchés l’un comme l’autre.

Le conservateur, un type qui semble plutôt sympa, jovial, approche. Il est en jean, une veste épaisse en tweed, plutôt classe, une casquette NY vissée sur le crâne.

- On s’est croisé tout à l’heure !

Le type à la smart.

Il fouille sa poche, sort un paquet de Bulleye, des cigarillos. Il en lèche le bout, le fait tourner dans sa bouche avant de l’allumer. Une habitude, comme un tic nerveux, il se détend comme cela.

- Enchanté ! Il ne lui tend pas la main, avec le virus… tout le monde se sent obligé de s’expliquer.

Charly en profite pour fourrer son Glock dans son Holster.

- Les curés sont armés maintenant ?

- Ceux qui sont en mission.

- En mission ? parait étonné le conservateur.

- Je suis le remplaçant. Le curé remplaçant, je suis de passage.

- Et c’est pour cela que vous possédez ce genre d’outil.

- La dame semblait perturbée, puis c’est surtout pour faire peur.

Le conservateur tire un large sourire. Il n’y croit pas.

- Chantal est fatiguée, cela fait des années qu’elle travaille au service du Ministère.

Il lui propose de venir la rejoindre, il lui tend la main.

- Je l'ai vu Monsieur Audru, je l’ai vu ! elle lui assure presque frénétiquement.

- Jean Gabin ? Encore !

- Il est revenu. Il est revenu, il était à hauteur du perron du jardin, il était en train de s’approcher de la grande porte, elle montre alors la façade du château.

Guillaume n’ose la toucher, toujours le virus, les gestes barrières. Mais il lui demande de venir, il va la ramener à sa chambre, dans les appartements de fonction du château.

- Je m’occupe de Madame Irène. Vous souhaitez venir boire un verre à mon bureau ?

Le bureau est à l’étage, dans les parties non accessibles au public. Les appartements de fonction se trouvent eux un peu plus à l’écart dans une ancienne dépendance, pas loin des étables d’ailleurs.

Le monument est niché dans le cœur du parc, très bien entretenu, et surtout déclaré Monument Historique. Une réplique du Petit Trianon de Versailles. Un étage, toit terrasse comme un bloc posé là, élégant.

À l’origine, Bouges était une seigneurie rurale avec un château fortifié.

Guillaume le fait passer de pièce en pièce.

Charly tente alors de sortir son Smartphone, faire une photo, à la dérobée, du conservateur. Il mime un instant un appel, s’excuse…

Un appel à quatre heures du matin ?

Il revient rapidement. Le conservateur reprend sa visite guidée.

En 1759, Claude Charles François Leblanc de Marnaval, fermier général de Louis XV, acquiert cette terre et fait rapidement remplacer l’ancien château par une élégante construction « à l’italienne ». D’où les murs en pierres de taille, les grandes fenêtres.

Ils font le tour du bâtiment, Guillaume continue sa petite présentation historique.

Marnaval et son train de vie, suscite étonnement et surtout envie. Il se ruine. Douze ans plus tard, son château est saisi et vendu.

Au cours du XIXe siècle, les acquéreurs se succèdent : parmi eux, le prince de Talleyrand...

Faut attendre 1917 et l'arrivée des époux Viguier, avec Henry, directeur d'un grand magasin parisien et son épouse Renée. Elle est issue d'une riche famille de drapiers. Ils lui redonnent vie en acquérant un mobilier exceptionnel, en harmonie avec le cadre. Ils modernisent le château en lui apportant l'électricité, le chauffage et l'eau courante.

Une reconstitution soignée, madame décore et remeuble le château avec goût, alors que son mari, passionné de chevaux, aménage les communs. Ils lèguent l'ensemble à l'État en 1968.

Chantal est enfin retournée dans ses appartements.

Le conservateur et le curé se retrouvent posés dans deux fauteuils, avec une vue imprenable sur le parc de nuit.

- Cela lui arrive souvent ?

- Rarement, ce qui est étrange, c’est que la dernière fois, elle est revenue avec le précédent curé.

Il termine son cigarillo, l’écrase dans un cendrier et ferme la grande fenêtre.

- Nous sommes fermés au public du fait du confinement. Chantal doit très mal le vivre, elle déprime depuis des mois. Je pense qu’elle perd la tête, il lui reste pourtant encore quelques années avant de prendre sa retraite.

Il navigue dans l’immense bureau et sort plusieurs bouteilles.

- Vous prenez quoi ?

Scotch, vodka, gin… du rhum aussi, visiblement il est amateur de boissons fortes. Il explique aussi bénéficier d’une belle cave, un amateur de vin.

- Scotch.

La couleur foncée attire le regard, puis Charly aime le whisky.

Guillaume prend deux verres, les manipule avec rapidité. Ce qui n’échappe pas au regard affuté du tueur / curé.

- Vous avez tout le temps travailler dans les monuments ? Il ne sait même pas en quoi consiste son métier.

- J’ai bourlingué de ministère en ministère, des archives régionales, en passant par la Bibliothèque Nationale… il reste vague, avant d’arriver là.

- Vous avez été affecté quand ? Charly saisit le verre qu’on lui tend.

Le conservateur pose un petit sous-verre sur le vernis sensible du bureau. Un magnifique meuble art déco, un peu comme toute la pièce. L’un des bureaux privés du fameux propriétaire. L’ancienne bibliothèque, pour être exact.

Il s’installe à son fauteuil et le tourne en direction de la baie vitrée, dans quelques minutes, ils vont profiter du lever de soleil.

La nuit est passée vite.

- Cela vous arrive souvent de passer des nuits comme celle-ci ?

- Pas plus que vous j’imagine ! Il ne répond pas à sa question.

- Et vous monsieur le curé ? Cela vous arrive souvent de raccompagner des vieilles dames jusqu’à leur chambre ! Tchin ! Il lui tend son verre pour trinquer.

Les deux fixent leur regard comme un défi.

L’un comme l’autre cachent des choses.

- Je pense que vous n’êtes pas là que pour assurer un remplacement… le toise le conservateur.

- Et qu’est-ce qui vous fait croire cela ?

- Il m’est arrivé d’avoir plusieurs vies, moi aussi, monsieur le curé… et j’aime à m’assurer qu’on ne va pas m’amener de nouveaux ennuis…

Cela pourrait être entendu comme une menace…

- Il semble que vous avez posé des questions au tabac… vous savez le Chiquito… concernant mon pêché mignon. Il sort son paquet de Bulleyes. Un curé qui sort un billet de cent pour payer cash une cartouche, cela ne passe pas inaperçu…

Silence.

- Je pense que nous nous devions d’avoir ce petit échange… je ne sais pas ce que vous cherchez exactement mais cela pourrait vous attirer des ennuis. Alors, je ne saurais que vous conseiller de rester dans votre petite église, prier votre bon Dieu, et surtout de ne pas trop fouiner.

Un nouveau silence s’impose.

- Vous me comprenez ?

A croire que cette rencontre n’avait rien de fortuite… Charly louche un moment sur son verre. Il a pris un scotch certes, mais n’a même pas contrôlé ce que son hôte s’était servi. Le curé dépose son verre sur le petit papier prévu à l’usage.

Il se redresse, tire sur sa veste.

Le Glock n’est plus dans son dos… Guillaume le sort alors de sa poche et le dépose lourdement sur le bureau. Il en défonce le vernis mat.

- On n’est jamais trop prudent.

Il est agile.

Limite pickpocket, il plaisante. Charly le sent pas, mais pas du tout.

- Je préfère me rentrer, qu'il lâche, déstabilisé par ce gars.

- C’est dommage… vous n’avez même pas profité du soleil levant.

Il lève son verre :

je ne vous raccompagne pas !



1 comentário


amokc
12 de abr. de 2020

OK... Je suis mordue, ça y est. Hâte de continuer à feuilletoner !

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