C'est le moment de feuilletonner...
L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.
Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.
Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est travailleur social.
Son site : http://jrmybouquin.free.fr

Épisode 14
L’action !
La fameuse grange.
Il l’a trouvée sans trop de problème. Déjà, il n’a eu qu’à utiliser le web, la connexion avec la box de Gilda.
Pour capter avec son téléphone, un Huawei bas de gamme, Charly a dû se rabattre sur le trottoir juste en face. Il a ouvert la porte de la petite cuisine qui donne sur la rue. Impossible de faire autrement. Le réseau en panique, il n’a jamais été autant sollicité. La bande passante certainement bouffée par le village confiné, les habitants enfermés.
Charly doit attendre à chaque page, cela rame comme pas possible, le temps de charger le Google, de trouver Mappy, de remonter virtuellement la route de Levroux, chercher une ferme, trouver ce qui ressemble à la fameuse fromagerie, le voilà en train de repérer les lieux en vision satellite. Un bois sur la droite, un grand champ derrière. Une route complètement à découvert… Rien de rassurant pour une planque.
Okay…
Le temps de se préparer, de récupérer un des Glock planqué au-dessus de l’armoire dans la chambre, de dégager le col en plastique qui lui irrite le cou et c’est parti !
Il prend le Qashqai pour l’occasion, claque la portière en douceur. Observe un moment les volets clos, la façade de Gilda en face qui est complètement éteinte. Il est presque minuit.
Il démarre le moteur, sans les phares sur trois-cents mètres, roule sur un bon kilomètre, garde l’écran de son téléphone allumé, sans connexion, l’application ayant gardée le village et le périmètre en mémoire.
Il passe une première fois devant la grange, pas de haies, pas de portail, faut dire que le terrain semble assez grand, il trouve un bois six-cents mètres plus loin, de quoi se lancer dans une rapide manœuvre, marche arrière, demi-tour d’une main, ne lâche pas son écran de l’autre, coup de frein, il éteint ses phares, garde le moteur allumé. Observe la grange…
Il a trouvé du premier coup un très bon lieu d’observation, comme les chasseurs. Charly a l’instinct aussi pour cela.
Planquer.
Analyser la situation.
Prendre le temps de bien établir sa stratégie.
Pas de jumelles, alors il utilise le téléphone, l’appareil photo dispose d’un zoom qui panique et pixelise avec si peu de lumière mais permet malgré tout de faire un large panoramique sur les façades des différents bâtiments, d’une grange à l’écart, d’un corps principal de ferme, de plusieurs silos imposants, une cour devant en gravier. Derrière l’ensemble des bâtiments, ce champ immense… Gilda lui avait parlé de fromage de chèvre…
Il revient sur le champ, cherche un moment, zoom encore plus. Pas de bestiaux !
Vérifie encore.
Dézoom, prend au passage quelques vidéos, stocke dans l’appareil. Mais non, il confirme : pas de chèvres.
Peut-être que le fromager ne fait que de la préparation. Après tout, il y a les silos. Un bâtiment qui ressemble à un laboratoire de confection.
Depuis son poste de surveillance, il retourne sur le corps du bâtiment, celui de la ferme. Les volets sont ouverts, pas de lumière ni devant, ni à l’étage. Pas de voiture, il devine rapidement que le gars à la Berline n’est pas revenu.
Une berline… Pour un fermier…
Un type qu’on décrit comme une racaille parisienne.
Rien de tout cela ne colle avec un fromager berrichon ! Et pourtant, l’habit ne fait pas le moine. Faut vérifier !
Le contrôle de l’ensemble semble satisfaire l’ancien bidasse, Charly, expert des terrains en zones hostiles, fort de centaines de missions commando pour la Légion, ne voit pas de danger immédiat sur le moment.
Il empoigne son calibre, dont il dégage la pince du holster pour la glisser sur la ceinture à son flanc, gardera sa veste ouverte pour justement le dégainer en cas de souci. Il contrôle le chargeur, déverrouille sa sécurité.
Prêt à faire feu.
Il laisse le Qashqai une dizaine de mètres plus loin, sur la base de la route. Il va traverser un bois, remonter vers le nord pour contourner l’arrière de la maison. Il file le long de ce qui ressemble à une haie, passe par-dessus un fil barbelé rouillé, largement détendu. Il est rapide, discret, habitué à la manœuvre, il se déplace sans vraiment de lumière, allume juste l’écran de son portable, le bleu diffuse moins que l’application torche qui utilise le flash.
Il évolue vite. En quelques secondes, il arrive près du bâtiment avant de se plaquer au sol.
Dans l’angle, un projecteur avec un capteur de mouvement accroché. Plus loin, il repère même ce qui pourrait laisser penser à des caméras de vidéo-surveillance, de celles qu’on trouve dans les supermarchés, qui se connectent avec les téléphones portables, il en a déjà vu dans d’autres affaires.
Merde !
Rien de grave mais il s’en est fallu de peu qu’il en déclenche une.
Il cherche du regard, vise les gouttières, les angles des murs, il en repère deux. Et un angle mort en plein centre. Il va réduire sa vitesse, pour ne pas trop brusquer les détecteurs, en se plaquant le plus possible au mur, il devrait arriver à remonter sur le côté.
Charly y parvient sans trop de souci. Contrôle un moment son portable, il détecte en effet une connexion Wifi. Un système archaïque.
Tout est sous contrôle…
Il file en premier vers la grange, elle est droit devant, un laboratoire certainement, des bottes blanches sont face à la porte, typiques des fromagers, des réseaux de tubes en plomb, des lignes de réseaux aussi, en plastique souple, courent en appui sur un mur fêlé. Un système de gestion d’eau.
Avant même de toucher la poignée de la porte, il reste accroupi. Il est maintenant à découvert, de sa position, il est visible depuis trois des huit fenêtres du corps principal de la maison.
Il se fige. Attend.
Pas de réaction. Il devine donc qu’il n’y a personne. Ou que l’on dort. Peu importe. Il pose la main sur la poignée froide, l’enfonce, la porte s’ouvre…
Pas de lumière automatique.
Un sifflement résonne en continue. Pas d’alarme, ou alors elle est silencieuse. Il se retrouve alors dans un petit corridor, un carrelage humide du sol au plafond. Une forte odeur de javel. Charly allume l’écran de son portable, passe le faisceau bleu, des charlottes qui pendent à des accroches, des vestes imposantes en plastiques, des tabliers.
Tout cela se confirme, le fameux fromager serait donc bien…
Au moment de se relever, il entend un bruit différent, un murmure, celui d’un chuintement. Les pneus qui roulent sur une allée de gravillons.
Une voiture en approche, les phares qui lèchent le bâtiment, passent devant la vitre, Charly a juste le temps de se baisser pour ne pas croiser le faisceau au Xénon.
Merde !
Manquait plus que ça…
Le fromager vient de rentrer.
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