top of page

Confinés avec Jérémy Bouquin #11

la-bouinotte

C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.

 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.

Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr


 


Épisode 11

Des clopes ?

Acheter des clopes dans le coin ! Garry…

Une hypothèse… Alors quand il a croisé Serge posé le cul sur un banc juste en face du château, il est allé le voir.

- Monsieur le curé !

Là, Serge, toujours aussi allumé, découvre le père Charles sous un autre jour : avec son beau col blanc, sa petite croix au revers de son cuir noir, et son béret vissé sur la tête. Il fait plus sérieux, plus monacal d’un coup.

- Vous n’êtes pas confiné chez vous ? demande Charly.

Pourtant depuis déjà deux bonnes heures, tout le monde doit rester cloitré dans sa maison. Hors de question de sortir, sauf dérogation ! Le boulot, les courses de premières nécessités, un rendez-vous médical…

- Justement c’est médical ! qu’il claironne le vieux en pompant son clope et prenant l’air. Puis je n’habite pas loin, j’ai pas de jardin. Je ne vais pas me mettre à faire du jogging pour sortir !

C’est la grande mode du moment.

Il parait que les Officiels ont laissé aux français l’autorisation de faire du sport, autant dire que le nombre de joggers amateurs s’est démultiplié comme des petits pains en moins d’une journée. Parait qu’en ville, on galope de tous les côtés !

Puis Serge a tout fait dans les règles de l’art ! Il sort un papier chiffonné de sa poche et lui tend sous le nez son « JUSTIFICATIF DE DÉPLACEMENT PROFESSIONNEL, en application de l’article 3 du décret n° 2020-293 du 17 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.»

Une attestation imprimée depuis son ordinateur.

- Vous avez un ordinateur ? s’exclame Charly en lorgnant le vieux poivrot.

- J’ai même Internet et Netflix ! se défend Serge qui prend mal qu’on le prenne pour un pécore !

Charly ne préfère pas trop brancher le vieux, voit bien qu’il est sensible aujourd’hui. Il lui demande à tout hasard quand même.

- Pour acheter du tabac, on fait comment ?

- Y’a bien la Civette à La Chapelle Saint-Laurian, mais quand l’auberge est fermée, je vais au Chiquito à vélo à Levroux ! Y sont ouvert le dimanche et le soir en plus.

Il lui donne l’adresse. Charly ne note pas.

- J'ai du tabac si vous voulez !

Il lui sort sa blague avec son herbe à l’odeur étrange… Charly le remercie… Préfère pas. Il lui lance un signe et file jusqu'à sa voiture. La Qashqai de location démarre du premier coup. Il balance rapidement un coup d’œil dans le rétroviseur, aperçoit plus loin une silhouette, celle de Clarisse la garde-champêtre, elle ne le lâche pas.

Depuis le début, elle a des doutes sur le curé.

Son allure, ses façons de faire, elle le colle. Elle décroche même son téléphone, pour noter la plaque d’immatriculation. Sûr qu'elle sort en plus de chez Gilda.

Pas grave pour le moment, pas grave.

Charly passe la première et remonte la D2 direction Levroux, il connait la route maintenant. Il roule un moment, entre l’adresse du tabac dans le GPS. Le temps qu’il se synchronise avec le satellite, Charly sort déjà du bois et retrouve la D956, direction Châteauroux.

Il braque vers la gauche, trouve les panneaux publicitaires qui annoncent la ville, avant de voir se profiler une camionnette bleu nuit, deux voitures, des motos, les gyrophares sur le toit et une douzaine de pandores doigt sur le Famas.

Contrôle de police…

Un barrage même.

Les voitures se font aligner les unes après les autres, des deux côtés de la route. Impossible de tourner, de faire marche arrière. Derrière, un poids lourd talonne le Qashqai, puis faire demi-tour rendrait son comportement étrange. Il ralentit donc. Devant, les flics font signe à chacun de montrer les attestions justement, sans même les toucher. Ils font rapidement le tour des bagnoles.

En face, un réfractaire ne semble pas au courant… La jeune femme gendarme redresse son col, commence à expliquer. Le type, agacé, lui explique en avoir rien à foutre de toute cette comédie ! Que c’est pas juste ! Qu'il a le droit de faire ce qu’il veut quand il veut ! Il sort même un gilet jaune en signe de revendication.

Deux autres flics arrivent pour le calmer. On lui demande de sortir alors du véhicule. Cela met de l’animation.

On tape alors au carreau.

Charly ouvre.

Le flic aperçoit le curé, fait signe : Gendarmerie nationale. Il recule pour garder ses distances le plus possible, le fameux mètre réglementaire.

- Le motif de votre déplacement Mon père ? il demande.

- Des clopes.

Le flic entend… même si c’est pas réellement un besoin de première nécessité, demande l’attestation.

Charly en sort une chiffonnée, qu’il tend… Serge en gros écrit dessus, une date de naissance illisible. Le flic fait signe rapidement, derrière, ses collègues sont en train de verbaliser le réfractaire, pendant que d’autres, des copains tentent de s’en mêler.

Les gendarmes s’interposent, tentent d’isoler le gars qui se met à cracher par terre, comme s’il était pestiféré.

Le ton monte.

Le flic fait signe à Charly de s’activer. Allez ! Allez !

- Faites vite, et rentrez chez vous monsieur le curé !

Le Chiquito, place de la république, sa façade verte, sa presse, du monde qui fait la queue, certains avec plus d’écart que d’autres. Une femme avec sa poussette qui justement demande à ce qu’on marque un périmètre autour de son bébé.

Même si seul le tabac devrait être ouvert, on peut y boire un verre, rapidement ! prévient le patron à certains qui s’attardent.

Levroux est presque désert. A côté, le boucher est fermé, il parait que tout le monde s’est précipité la semaine d'avant pour dévaliser le supermarché.

- Et pour vous ?

- Vous faites des Cigarillos ? demande Charly. Des paquets de dix, il n’a plus le nom…

- Pas vraiment… il tique. Il regarde le curé… j’ai des Bullseye. C’est rare, les clients qui en achètent…

Il se tourne, cherche un moment, trouve une petite niche sur le côté. Il en dépose un paquet. Charly prend trois Camel au passage et balance un billet de cent !

Sitôt, le gars du troquet tique. Pas sûr qu’il ait la monnaie.

- C’est qui les autres clients ? Ceux qui achètent ce genre de camelote ?

L’autre commence à le dévisager. Ce curé semble bien trop curieux, puis il y a du monde qui attend derrière.

- Le dernier paquet que j’ai vendu, c’était tout à l’heure… Le gars vient en Smart, vous savez ces petites bagnoles qui ressemblent à des pots de yaourt.

Oui, Charly voit très bien.

Il sait même de qui qu’il cause… Il a maintenant une piste ! Il pousse le billet, écarte les paquets et demande :

- Je vais prendre une cartouche !

Le gros semble étonné : au prix des clopes !

Le confinement, certainement. Le curé fait des réserves. Il recompte, tape avec ses gros doigts sur la caisse enregistreuse :

- Y’a pas assez avec les cigares ! fait remarquer le cigarettier.

- Je vous laisse les cigares… J’aime pas ça !

Σχόλια


bottom of page