Chaque jour, Léandre Boizeau vous parle de son quotidien casanier, mais l'esprit vagabond...
Le créateur des Ronchons, personnages du fameux musée qui foulent les planches du Berry depuis près de quatre ans, ne pouvait rester sans voix, pas plus que ses comédiens d'copains.
Depuis le " jour 1 ", il ne manque pas de temps pour laisser ses pensées divaguer et faire " chonchonner " nos Ronchons préférés.
Aujourd’hui,
j’ai téléphoné à Colette, une vieille amie que nous rencontrons tous les ans durant les vacances.
Elle est à La Rochelle et va aussi bien qu’on peut aller à 83 ans, seule dans son appartement. Elle a cependant un problème : le jardin public juste au bas de chez elle est désormais fermé !
- Mais il faut que je fasse de l’exercice physique ! me dit-elle.
- Bien sûr ! Alors vous faites quoi Colette ?
- Je fais le tour de la table en marchant très vite… Et je compte les tours, j’arrive à en faire 70 !
Bravo Colette ! Belle leçon de vie.
Colette court autour de la table, moi je participe à une course par étapes sur mon vélo d’appartement.
A chacun son trip ! Les vieux s’accrochent…
J’en suis donc au quatrième jour de ma randonnée, une petite étape dite « de transition » qui m’amène du Blanc à Ingrandes, sur une route que je connais bien pour l’avoir empruntée très souvent.
Ingrandes.
On pense tout de suite à Henry de Montfreid qui y est mort en 1974 au terme d’une vie plus qu’aventureuse.
Il m’est arrivé de le rencontrer dans les rues du Blanc, il avait réputation de ne « pas être facile », mais c’est tout ce que je sais de lui en dehors de ses écrits.
Moins connu, beaucoup moins connu, mais tout aussi important à mes yeux, Hilaire Boireau, postier de son état, vrai résistant et communiste de surcroît était, lui aussi, un personnage incontournable d’Ingrandes. Sa femme et lui étaient ce que l’on appelait du « bon monde », des gens chez qui les amis étaient toujours bien reçus. La tarte aux fruits faisait partie du cérémonial d’accueil !
Et elle était bonne, je peux en témoigner !
C’est à Ingrandes encore, qu’arriva un jour une jeune institutrice remplaçante. C’était il y a longtemps, mais je m’en souviens encore.
Elle me plaisait cette fille ! Mais elle me plaisait !
Elle me plaisait tant que, cinquante ans après, elle est la mère de mon fils et la grand-mère de mon petit-fils ! Et qu’elle me plaît encore…
Mais ces choses-là ne vous regardent pas !
Contentez-vous donc d’être sur le bord de la route et de m’applaudir virtuellement quand je viens à passer dans vos rêves de confinés.
Demain, je quitte le Berry. Je fais étape à Saint-Savin.
Et les Ronchons ?
Je ne risque pas de les oublier, je suis en contact permanent avec eux ; ils me drivent, à la manière des navigateurs solitaires. Ils m’indiquent le sens du vent, le pourcentage des dénivelés… tout pour me faciliter la tache.
Et pour le moral, certains m’envoient des mots d’encouragement, voire un chouette poème comme celui que vient de me faire parvenir le Jeannot, un Ronchon de la première heure et un ami de plus de 70 ans !
70 ans ! Comme ça passe vite, je n’en reviens pas…
Avant le coronavirus
On avait le droit de prend’le bus
On invitait tout’la famille
Les gars pouvaient biger les filles.
C’était tout juste avant la guerre
Autrement dit c’était hier.
Les Ronchons pouvaient déconner
Et ça faisait bien rigoler.
Dans les théâtres des villages,
C’étaient surtout des gens d’nos âges.
Je me rappelle qu’un sam’di soir
Ça devait être en Indre-et-Loire
Dans les vestiaires ça sentait l’chou
Mais ça doit rester entre nous…
L’Michel était bin emmerdé
Quand il m’a d’mandé d’m’entraîner
Face à des gens bien équipés
Pour avancer dans les allées
Qu’étaient pas que d’supermarchés.
Les salles des fêtes étaient bourrées
Les maires, hilares, s’en réjouissaient
Car avec le bouche à oreille
C’est eux qui récoltaient l’oseille.
C’était not’façon d’les aider
Et on n’avait pas à s’forcer
L’léande nous avait concocté
Un vrai dessert pour nos ainés.
J’vous parle de çà, j’vous parle d’hier
Du temps où qu’on était en guerre
Vivement qu’on se resserre la main,
En attendant d’vous biger tous
Et je parle même de ceux qui toussent
Y aura de joyeux lendemains.
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