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Les évasions de Léandre Boizeau... J19


Chaque jour, Léandre Boizeau vous parle de son quotidien casanier, mais l'esprit vagabond...

Le créateur des Ronchons, personnages du fameux musée qui foulent les planches du Berry depuis près de quatre ans, ne pouvait rester sans voix, pas plus que ses comédiens d'copains.

Depuis le " jour 1 ", il ne manque pas de temps pour laisser ses pensées divaguer et faire " chonchonner " nos Ronchons préférés.








 

Là voilà, la dernière !

L’étape reine : Rochefort – Fouras !

Pour l’occasion, j’ai revêtu mon beau maillot vert, celui du Club des amis de La Bouinotte et n’attendez pas de moi des performances. Non, je veux prendre mon temps, déguster tranquillement mon rêve réalisé et j’en ai le droit, j’ai bien assez peiné pour en arriver là.

Piste cyclable jusqu’à Charras puis cap sur la Charente, objectif : Fort Vasou.

J’y suis.

C’est à cet endroit précis que j’ai vu passer l’Hermione le jour de son lancement. Un spectacle grandiose, une foule en liesse !

Aujourd’hui, c’est le calme absolu à peine troublé par le clapotis des vagues qui viennent lécher le sable de la plage jouxtant le fort. Je vais me prendre le chemin blanc empruntant la digue pour rejoindre Fouras que j’entrevois là-bas, au loin, sous le soleil. Profiter surtout ! Bien se pénétrer des odeurs mélangées de tamaris et d’air salin, laisser aller son regard, des aigrettes pique-bœufs qui colonisent le marais sur ma droite, aux carrelets qui balisent la côte sur ma gauche. Prêter l’oreille au vent qui sublime le silence…

Vivre en un mot !

L’instant présent, le seul qui renvoie au sentiment d’exister.

Et tout ça en faisant du vélo ! Quand je pense qu’il y en a certains qui en ont un dans le grenier ou à la cave et qui n’osent pas l’enfourcher…


Mais, il ne faut pas que je me laisse aller à penser aux autres, je vais me gâcher mon bonheur que j’ai pourtant bien mérité.

Allez, je ne boude pas mon plaisir : voilà que j’arrive à la plage Sud qui a une double particularité : elle est plantée d’arbres donnant une ombre très appréciée en été et c’est de là qu’est parti Napoléon pour rejoindre l’île d’Aix, puis l’Angleterre avant son exil à Sainte-Hélène. Une stèle marque d’ailleurs l’événement.

Là, je prends à droite pour rattraper le centre ville. A la Mairie, je prends la rue piétonne, histoire de me plonger dans mon quotidien des vacances. Ici, mon boulanger, juste en face du bazar dont la vitrine à tant fait rêver mon fils quand il était enfant, plus loin la supérette avec les mecs qui attendent dehors que leur femme fasse les achats, la halle aux poissons, la halle aux légumes, le « Provençal », mon bistrot, où je prends le café chaque matin…

Un vrai pèlerinage !

Je rejoins l’esplanade du Fort Vauban. Temps d’arrêt pour admirer le paysage avec l’île Madame presque à portée de main.

Je me laisse dégouliner en direction de la « Grande Plage », celle qui, en été, rallie tous les suffrages des estivants. Je m’engage vers le bois du Casino et là, en bas, je bute sur, tenez-vous bien, un rond-point. Mais, me direz-vous, qui y a-t-il de plus commun, qu’un rond-point ? Ce qui fait la différence, c’est que celui-ci est magnifiquement fleuri. A cet instant, je me fais le reproche de n’avoir jamais pris le temps de le faire savoir aux employés qui l’entretiennent. Ce n’est pourtant pas difficile de dire merci à ceux qui vous rendent le cadre de vie agréable ! La prochaine fois que je les vois, c’est promis, je ne les rate pas.


La plage Nord est sur ma droite. Désertique ? Non, pour moi elle ne le sera jamais : c’est là que Gilles, mon fils, a appris à faire des pâtés de sable et, après lui, Simon, mon petit-fils.

Une visite au Port Nord s’impose, mais aujourd’hui c’est la trêve : pas de pêcheurs d’anguilles et pas de pratiquants de l’Ecole de voile pour s’emmêler dans leurs lignes ! Donc, une fois n’est pas coutume : calme plat.

Je continue par le chemin littoral qui vient d’être réalisé dans le cadre d’un rehaussement de la digue. Je sais qu’il y a eu bien des controverses, mais il n’agresse pas trop le paysage et, en ce sens, je le trouve plutôt réussi.

J’arrive à la dernière ligne droite, celle qui m’emmène à l’arrivée, au bout de la Pointe de la Fumée, à l’embarcadère de l’île d’Aix pour être précis.


Mais une étape ne serait pas une étape sans ce que l’on appelle le « ravitaillement » en jargon cycliste. Le plus souvent servi à la volée, dans une musette. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est un moment crucial de la course.

Musette ratée : fringale à la clé et contre performance assurée !

Sachant cela, j’ai pris toutes dispositions pour m’éviter ce genre de déconvenue. Mon point de vente préféré d’huîtres à emporter (je ne vous dis pas lequel parce que j’ai crû comprendre qu’il y avait des rivalités très vives entre certains d’entre eux) a été prévenu. Ma musette m’attend avec baguette fraîche, beurre demi-sel, deux cents grammes de bouquets et une bouteille de Sauvignon. Je ne lui ai pas demandé de me la tendre au passage parce que je ne me sens pas une âme de voltigeur. Je préfère m’arrêter au risque de perdre un peu de temps sur l’horaire prévu.

Et, je repars fringant pour boucler en beauté les trois cents derniers mètres.

La voilà, la ligne !


De toute façon, je ne peux pas aller plus loin, la mer est là qui prend déjà ses aises sur la chaussée.

C’est un endroit merveilleux. J’y viens souvent avec ma femme en été. On s’assoit sur le parapet, on regarde les bateaux qui arrivent et qui partent, on écoute d’une oreille amusée les anciens qui, assis à quelques encablures, disent du mal de celui qui vient de partir ou de celle qui n’est pas encore arrivée. J’y viens aussi pêcher la crevette ! Parfois seul. Mais pas longtemps car il y a de la concurrence. Féroce ! Pour les meilleurs emplacements, bien sûr. J’y viens aussi en compagnie de Simon et de son père. Un vrai régal ! Du haut de ses sept ans, mon petit-fils, en expert qu’il est déjà, prend un réel plaisir à jouer les guides de pêche auprès d’un public souvent profane :

- Elles ne sont pas roses, les crevettes ici ?

- C’est parce qu’elles sont vivantes, Madame, elles rougissent quand on les fait cuire…

Voilà le moment dont j’ai tant rêvé. Je suis face à la mer et je déguste mes bouquets que j’ai bien gagnés.

Mais je suis le plus heureux des hommes, il faut le dire !



A cet instant, j’ai cependant un regret :

les Ronchons m’ont laissé venir seul.

Il n’y en a pas un qui a fait l’effort de m’accompagner. Ils avaient tous de bonnes raisons : laisser-aller pour les uns, surcharge pondérale pour les autres...

Je leur en veux un peu.


 

Le retour ?

Ne vous tracassez pas pour moi, tout est prévu.

L’office de tourisme de Fouras organise le rapatriement de voyageurs du rêve comme moi, par nuage sanitaire. Ils ont signé un contrat avec une compagnie rochelaise de cumulonimbus frais émoulus de l’Atlantique. C’est, paraît-il, très confortable et très silencieux, tout à fait ce qu’il faut pour un public de mon âge.

Bien sûr qu’il vaut mieux éviter les éoliennes ! Mais le danger, je connais, j’en ai croisé d’autres dans ma vie.

Tiens , je bois un coup !

Je trinque à votre santé à tous !

Veillez bien sur elle.



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