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Confinés... avec Jérémy Bouquin #3

C'est le moment de feuilletonner...

L'auteur berricho-tourangeau Jérémy Bouquin l'a bien compris et vous entraine dans un polar sombre, en temps réel.


 

Un feuilleton polar, créé spécialement pour le Confi-blog de La Bouinotte… C’est le pari, avec ce roman noir planté du côté de Levroux, dans l’Indre, dont il va nous livrer un épisode chaque jour.

Pas de titre pour le moment. A vous de trouver !! On attend vos propositions sur notre mail : la-bouinotte@orange.fr, ou sur les réseaux sociaux de La Bouinotte.


Jérémy Bouquin
Autodidacte, réalisateur de  courts et moyens-métrages, Jérémy Bouquin est auteur de romans  policiers, nouvelles noires. Il a participé à deux recueils de nouvelles  black Berry, éditions La Bouinotte. Sous l'alias Jrmy, il est scénariste de la Bd polar Le Privé. Mais dans "la vraie vie", Jérémy est  travailleur social.

Son site : http://jrmybouquin.free.fr


 


Épisode 3

- Je viens d'arriver ! Qu'il bougonne.

Inutile de rentrer dans les détails, qu'il s’est perdu, que trouver un train pour Châteauroux relève presque d'une mission impossible, que les gares parisiennes sont toutes prises d’assaut, qu'on fuit les villes pour aller se réfugier à la campagne.

Ce virus rend dingue !

Le Covid, c'est la guerre. Et d'un coup, des milliers de français se retrouvent comme ces réfugiés que l'on voit fuir les bombardements dans leur pays. Ces mêmes anonymes qui, sur des bouées de fortune, tentent comme ils peuvent de braver la méditerranée sans espoir d'un jour meilleur.

Le monde devient fou.

Tassés sur les quais de gare à se pousser, dans un bouillon de microbes qu'ils vont répandre dans les campagnes. Elle est belle la solidarité !

Bref !


Le temps de prendre un train, de trouver une caisse, de se perdre dans la pampa berrichonne et le voilà :

- Charly ?

Mag toujours pressée. Sa voix érayée, à fumer son cigarillo, certainement accoudée au minuscule balcon de son T3 bis, rue Mouffetard.

Mag, c'est une intermédiaire. Elle est avocate, c'est son véritable job. Baveuse, au barreau, c'est d'ailleurs dans une affaire de coups et blessures aggravés qu'elle avait rencontré Charly. Le bidasse avait un peu trop secoué un mec qui devait des thunes à un limonadier quelconque d'Issy-les-Moulineaux. Le mec devait cracher.

Quand il a vu débouler Charly et son mètre quatre-vingt-douze de muscles, il a tout de suite pris peur, il a bien senti sa vie s'écourter. Il a appelé les condés.

Au moment où la cavalerie débarquait, Charly était en train de faire cracher son dentier au micheton. Non mais !

L'autre n'a pas porté plainte.

Les poulets l'ont tout de même embarqué pour un motif foireux. Bras dans le dos, le tonfa en travers des omoplates, un contrôle d’identité un peu musclé avant que Mag n'arrive. Elle avait été recrutée par le limonadier lui-même. Sympa le mec. Il a bien évidement laissé l'ardoise à Charly. Mais le geste était beau.


Mag, c'est une indépendante. Garçon manqué, certainement gouine, c'est Charly qui le croit, il les sent, les filles comme elle. Elle a lu les rapports, expliqué qu'il devait garder le silence. Charly ne comptait pas parler.

Les flics n'avaient pas grand-chose. Et même si le casier de Charly était déjà bien gras, ils ne pouvaient le garder sur une suspicion d'un « échange un peu musclé ».

A cette époque, les condés étaient déjà bien usés, grèves à répétitions, échauffourées, gilets jaunes sur les ronds-points, manifestations tous les samedis.

Ils ont lâché l’affaire. C'est la crise dans tout le pays.

Charly dehors, Mag a réclamé son dû : six cents balles, net ! C'est cher le service, mais elle les vaut, non ?

Il n'avait pas le pognon.

Son business n'était pas encore vraiment au point. Usurier, c'est un réseau, des connexions à monter, il n'en était qu'au début. Charly a proposé ses services.

Mag s'est laissée deux jours pour réfléchir.

Depuis… c'est sa cliente permanente.

Il bosse de temps en temps pour d'autres. Mais c'est l'avocate qui le fait vivre, et largement. Elle a des clients, lui les muscles, l'intelligence aussi.

Il a du potentiel, Charlie et ça, Mag, elle l'a bien senti !

Magalie, Magdelaine, Maga… quelque chose. Il ne connaît même pas son prénom, elle a un nom russe ou roumain. Il n'arrive pas à s'en souvenir. Et puis on ne lui demande pas justement…

- Alors ?

Qu'elle s'agace. Elle trouve le temps long, ce contrat-là, il est compliqué.

Charly lui avait pourtant vendu du rêve : il a une piste…

Le chasseur s'est lancé, l'affaire semblait pourtant foutue d'avance, déjà deux ans qu'on le cherche… ce Garry.

- Et là ? T'es où ?

- Un bled.

- Un bled ? Un bled où ?

- Le Berry.

- Qu'est-ce que tu fais dans le Berry ?

C’est long à expliquer mais Charly piste la trace d'un certain Garry. On ne sait pas grand-chose du zig, qu'il se planque. Qu'il a certainement changé d’identité. Et que par erreur, il a activé son téléphone portable la semaine dernière.

Une erreur majeure !

Le grelot a borné.

- J'ai un code GPS.

- Tu crois que c'est lui ?

- C'est son téléphone…

Mag grogne, elle perd du temps avec cette affaire, son client est dans une sale merde, un type du nom de Joe.

Un gros de gros, le genre de mec pour qui Mag fait la danse du ventre pour chaque mission. Il paye cher et bien. Joe. C'est le surnom qu'elle lui a donné pour ne pas en dire trop, elle est soumise au secret professionnel. Mais depuis un certain temps, le dénommé Joe est en Zonzon, on l'aurait balancé. Un certain Garry…

Il a suffisamment de réseaux encore pour payer Mag. Elle est son avocate, il a tous pouvoirs !

Garry ? Elle n'a pas de photo. Le type est un malin. Un gars, la trentaine max. A l'époque, on le décrit maigrichon, cheveux bruns, assez grand, pas vraiment musclé. Un intello. Depuis trois ans, il a eu le temps de changer.

Le gars s’est planqué dans un coin.

Joe attend son procès. Garry va devoir témoigner.

Même les flics ne savent pas où il crèche… Il a raison de se méfier des condés. La preuve, Mag a suffisamment de réseaux pour avoir accès à des infos.

- Je vais le trouver ton lascar. Charly l'assure.

- T'as intérêt. Elle souffle. Elle inspire profondément. Tu m'appelles dès que tu as du nouveau.

Elle raccroche.

Il sent bien qu'elle est tendue, la gouine.

Mais là, on l'attend.


Serge et son vélo, Gilda le reluque, elle tient un gîte.

- Excusez-moi… le boulot…

- Le diocèse ? Demande Serge, à fond sur cette histoire de curé.

- Le patron, confirme Charly.

Il va pour presser la main de Gilda, se présenter, elle refuse : les gestes barrières ! C'est en permanence à la télé, on se touche plus, ni les pognes, ni la bise, on doit se laver les paluches le plus régulièrement possible, éternuer dans son coude… marquer un périmètre.

Un truc de fou.

Les automatismes sociaux n'existent plus, on se salue avec des checks de coude, des mouvements inventés pour l'occasion. Du marketing ! Conneries.

- Vous cherchez une chambre ?

- Pour quelques jours.

- Quelques jours ? Je croyais que vous étiez le nouveau curé ? S'étonne Gilda.

Charly s'emmêle les pinceaux, son histoire sent l'embrouille, mais faut s'accrocher :

- Je suis là pour une mission courte, je viens, j'ouvre la boutique, assure le service minimum et quand le nouveau est là : je disparais…

Elle le regarde un long moment, les yeux noirs, elle n'a jamais entendu un truc pareil ! Il lui faut un temps pour digérer.

- Un curé ! Lâche Serge. Qui devrait bien se rentrer maintenant qu'il a mené à bon port la brebis égarée.

Il les laisse, tente de monter à vélo, avec son panier qui pend sur le guidon, manque s'emmêler les pinceaux, préfère se rentrer à pied. Décidément, ce qu'il fume lui monte à la tronche.

- Vous avez des valises ?

- Un sac.

Un sac seulement…

- J'ai dû partir vite.

- Le confinement ?

Charly ne comprend pas.

- Demain, nous serons confinés, nos déplacements limités…

Il se remet… mais ce qui l'intrigue, c'est les silhouettes… celles derrière les rideaux des maisons en face.

Visiblement, son arrivée intrigue.

Voire même, il a comme ce petit sentiment d'insécurité qui le travaille.

L’instinct.

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